Looking for...[Tammy, Sylheen, Taylor]

Lux avait enfin aménagé dans son minuscule appartement, à Richmond District. Il ne comprenait que deux pièces séparées par un rideau usé et miteux, sans compter la toute petite salle de bain où deux personnes pouvaient à peine se tenir debout. Elle avait fait suivre très peu d’affaires, seulement ses vêtements, ses photos, son Roleflex, ses papiers et quelques objets qui lui tenaient à cœur. Elle n’avait même pas amené sa guitare avec elle ; elle l’avait laissé à Carl, un jeune homme avec qui elle avait brièvement sympathisé après avoir couché avec, lors d’une soirée orgiaque.
La jeune femme avait passé toute la matinée à nettoyer son nouveau-chez elle, ce qui ne fut pas une mince affaire : la crasse et la poussière semblait être là depuis toujours, des taches d’humidité refusaient catégoriquement de quitter les lieux…Elle découvrit également un véritable cimetière de souris dans son placard sous l’évier. Mais au bout de quelques heures d’efforts acharnés, l’endroit se fit plus habitable. Lux s’affairait en laissant les fenêtres grandes ouvertes, pour chasser l’odeur d’humidité et de renfermé.
Alors que le soleil radieux était à son zénith, Lux termina de ranger ses affaires et d’accrocher ses photos. C’était surtout des photos des gens qu’elle avait fréquenté, ses anciens amis du collège et du lycée, et de sa famille, aussi. Il y en avait même une de son père.
Lorsqu’elle eut tout fini, elle fouilla dans son sac à main, à la recherche de son sachet de cocaïne. La jeune femme s’immobilisa : le sachet n’y était plus. Elle fouilla à nouveau fébrilement, déversa au sol tout le contenu de sac ; mais pas la moindre trace de poudre blanche. Avec des gestes saccadés, elle fouilla les poches de sa veste, de ses vêtements, elle regarda dans toutes les pièces…Mais rien.
Elle poussa un gémissement catastrophé.

-Putain de merde !

Dire qu’elle n’avait même pas la moindre petite boulette d’herbe…Juste de quoi rouler encore quatre ou cinq clopes.
Lux s’assit, tentant de se calmer, les mains tremblantes. Elle tenta de se rappeler où pourrait bien se trouver son sachet. Peut-être était-ce un de ces camionneurs qui lui avait piqué la veille, pendant un instant d’inattention ?
La jeune femme soupira profondément. A cette heure-ci, elle trouverait difficilement un dealer. En plus, elle ne connaissait absolument personne dans cette ville. Cependant, elle décida tout de même de sortir : ça ne servait à rien de tourner en rond dans cette cage, et puis peut-être trouverait-elle de quoi se faire au moins un pétard…
Elle prit une douche rapide, enfila une petite robe flottante orange, prit son sac à main et son appareil photo et sortit de chez elle.
Lux décida d’aller au Golden Gate Park ; depuis le temps qu’elle ne le voyait que dans des livres ! Elle savait qu’au moins elle y rencontrerait des gens.
Au bout de 10 minutes de marche, elle entra enfin dans le parc. Il y avait un monde fou. Pendant plusieurs heures, Lux photographia les lieux dont elle avait tant entendu parler. Elle plaquait également sur sa pellicule les visages des gens, parfois avec leur consentement, parfois à leur insu.
Elle arrive enfin au Japanese Tea Garden. Elle resta un moment sans photographier, imprégnant ses rétines de la beauté et du calme du lieu. Elle avait toujours été fascinée par l’Asie, par la beauté de ses monuments, de ses arts, de ses peuples. Elle savait qu’elle irait, un jour.
Lux s’accroupit dans l’herbe et cadra le magnifique pont de pierre, qui formait un parfait arc-de-cercle. Mais au moment où elle allait déclencher l’appareil, quelqu’un passa dans le champ.

Lux soupira intérieurement pour sa photo ratée ; en quelques secondes, la lumière avait déjà changée. Avant de jeter un œil à la nouvelle venue, elle recomposa son cadre et prit la photo.
Elle se leva et regarda enfin la jeune fille qui lui parlait. C’était une jeune noire toute en beauté et en sourire, une guitare à la main. Son air engageant et son franc-parler plurent de suite à Lux. Ca la changeait des mentalités coincées du fin fond de la Louisiane…

-C’est vrai que c’est beau…C’est la première fois que je viens ici. J’ai toujours été attirée par ce qui est asiatique,ajouta-t-elle avec un petit rire.

Lux haussa un sourcil et sourit en entendant la dernière question. Elle savait bien qu’elle avait une apparence pas banale et qu’on la remarquait facilement, mais quand même…

-T’as raison, je viens juste d’arriver dans le coin…Tu connais tout le monde à San Francisco, apparemment ! dit-elle en riant, mais pas moqueuse du tout. J’ai l’air si différente de la population locale, ou quoi ? Sinon, moi c’est Lux. Et toi ?

Lux jeta un œil à la guitare que la jeune black tenait. Elle songea à sa propre guitare, laissée entre les mains d’un presque inconnu.

-P’tain, ça fait un bail que j’ai pas joué de la gratte, moi…Ecoute, si t’as rien de spécial à faire, ça te dit pas qu’on se cale dans un coin et que tu me montre comment tu joue ?

Lux n’était pas sure qu’elle accepte sa proposition, mais après tout, elle avait l’air sympa ! Et puis la jeune junkie avait besoin de se détendre. Et le seul moyen pour oublier son manque de drogue, c’était la compagnie humaine…

Lux se laissa entraîner par Tamara. Elles s’assirent dans l’herbe, sous un magnifique saule pleureur. Pendant que Tam commençait à accorder sa guitare, Lux prit une photo en contre plongée du saule, captant les points lumineux se réfléchissant sur les feuilles.
La jeune Afro-américaine lui tendit son paquet de tabac. Au ton de sa voix, Lux se doutait qu’elle avait deviné pourquoi elle ne se sentait pas super bien. Après tout, c’était carrément flagrant ! Et cela se voyait que la jeune black n’était pas consommatrice de drogues dures. Ou alors, elle le cachait très bien.
Elle allait refuser le tabac quand elle vit la marque du paquet. Elle écarquilla les yeux et s’exclama :

-Wah, il vient de Cuba ? Je veux bien le goûter alors. Je te filerai une de mes roulées, en échange. Même si mon tabac est carrément pourri, à côté de celui là !

Lux saisit le paquet et en sentit le contenu. Effectivement, rien à voir avec ce qu’elle avait dans son sac ! Elle sortit une feuille, prit un peu de tabac, et roula adroitement se cigarette. Même avec les mains tremblantes, elle était habituée à le faire.
Elle l’alluma avec son briquet, et tira avec une bouffée avec délice. Elle poussa un râle caricatural.

-Aaaahhh c’est bon !

Cigarette à la bouche, elle saisit son propre paquet de tabac et roula une deuxième clope, qu’elle tendit à Tam.

-Désolée de la qualité, mais c’est un des moins cher. Comment tu fais pour te procurer de celui-là ?

Tout en écoutant sa réponse, Lux prit à nouveau en main son appareil photo.

-Au fait, ça te dérange pas si je te prends en photo ? J’aime bien faire des portraits des gens que je rencontre. Quand j’aurais fini la pellicule, je te ferais des tirages.

Elle pinça encore quelques fois les cordes de sa guitare avant de hocher la tête d'un air satisfait. Puis elle reprit le paquet de de tabac.

"C'est mon grand-père qui m'en a ramené. Il va de temps en temps à Cuba pour voir des amis."

Répondit-elle avec un petit sourire, toujours heureuse quand elle pensait à son grand-père. C'était un homme bourré d'humour et qui avait toujours quelque chose d'extravagant à raconter. Tamara se demandait toujours comment il n'était pas devenu amer alors qu'il avait vécu des moments terribles à cause de la ségrégation. Elle l'admirait pour ça et s'efforçait de lui ressembler.

"Merci, mais c'était pas la peine !"

Fit-elle en prenant la cigarette que lui tendit Lux. Elle sortit tout de même de sa poche son briquet et l'alluma. Elle prit une longue bouffée puis écarquilla les yeux à la requête de sa compagne. C'était la première fois que quelqu'un en dehors de sa famille voulait la prendre en photo.

"Euh bah non ça me dérange pas. Pas sûre d'être photogénique mais pourquoi pas."

Tam reprit une bouffée de sa roulée avant de commencer à jouer les premières notes de Voodoo Child, d'Hendrix. C'était son morceau préféré, il y avait une puissance dans la mélodie qui lui donnait toujours le frisson.

"Au fait, tu viens d'où ?"

Demanda-t-elle en marmonnant légèrement. Essayez de parler avec une cigarette dans la bouche et de tenter de ne pas la faire tomber.

[Désolée du retard, mon inspi m'avait lâché.]

Lux sourit en voyant l’expression de surprise peindre le visage de Tammy. Apparemment elle n’était pas habituée à ce qu’on la prenne comme modèle. Ce qui était bien dommage, d’ailleurs.
Elle lui dit en riant :

-Toi, pas photogénique ? Tu rigole ! Tes cheveux sont magnifiques, ton regard est très expressif, ta peau n’a aucune imperfection, ton sourire est dévastateur, et ton corps a pas l’air mal, vu ce que j’en vois.

Lux lui fit un clin d’œil et commença à cadrer. Elle immortalisa l’expression surprise de la jeune black, puis continua :

-Tu pourrais sans problème te lancer dans une carrière de modèle ou d’actrice. Mais entre nous, je te conseille pas. Ils sont tous pourris, là-dedans. Faut avoir du fric et des relations, pour réussir.

Elle ajouta, d’un air faussement tragique :

-Dur dur d’être un artiste, de nos jours !

Elle reprit son appareil, et cette fois elle prit en gros plan la main de Tam qui jouait les premières notes d’une chanson d’Hendrix. Puis gros plan sur son visage concentré, bouche plissée à cause de la cigarette.

-D’où je viens ? D’un ranch perdu dans le trou du cul du monde. C'est-à-dire la Louisiane. Cet état, c’est pareil que le Texas : remplis de cow-boy super virils aussi bornés et cons que les bêtes qu’ils élèvent. Tous des racistes et des arriérés. Dans les grandes villes comme la Nouvelle-Orléans, ça va encore, mais ailleurs, c’est pas vivable.

Elle soupira puis sourit.

-T’imagines pas à quel point c’est bon pour moi d’être en Californie. Ici, les gens sont plus cool et ne pense pas qu’aux vaches et aux chevaux. Et j’espère que les mecs d’ici baisent pas comme des chiens en chaleur. En trois coups, c’est fini !

Lux rit, puis reprit, se rendant compte que son interlocutrice pourrait être gênée.

-Et toi, t’as toujours vécu ici ?

Tammy se sentir rougir de plaisir lorsque Lux la complimenta sur ses cheveux. Elle était contente que quelqu'un lui dise qu'ils étaient beaux, vu le temps qu'elle prenait pour les lisser et les rendre parfaits. Tam se fichait pas mal du reste de son corps, mais ses cheveux avaient le don de la frustrer.
Elle cligna plusieurs fois des yeux lorsque Lux la photographia, surprise.

"Haha, merci. Mais euh wai de toute façon le mannequinat ça m'a jamais intéressé. Chuis pas assez féminine mentalement pour survivre à plusieurs séances de maquillage, d'essayage, et de coiffeur."

Elle exagéra un frisson avant d'ajouter :

"Ca me fout la gerbe rien que d'y penser !"

Elle leva les yeux au ciel, un petit sourire au coin des lèvres, lorsque Lux prit un air tragique et fit remarquer que les temps étaient durs pour les artistes. Quoique d'une certaine manière, sa compagne n'avait pas tort. Tam écouta attentivement, tout en continuant à jouer, lorsque sa nouvelle amie parla de ses origines. La Louisiane hein ? Ce coin était aussi pourri que l'état d'où elle venait.

"Mes arrières grand-parents viennent de la Louisiane. Les noirs étaient encore considérés des esclaves à l'époque, bien plus que maintenant."

Déclara-t-elle sur un ton grave. Mais elle n'eut pas le temps de se plonger dans de sombres pensées car la remarque suivante de Lux provoqua un fou rire chez Tammy.

"Ils sont si mauvais que ça en Louisiane ?!"

Lâcha-t-elle entre deux éclats de rire. Elle s'arrêta de jouer quelques instants, le temps d'essuyer les larmes qui perlaient au coin de ses yeux, tellement elle riait. La jeune femme faillit par ses calmer, secouant légèrement la tête.

"Moi, j'viens du pire coin de l'Amérique : l'Alabama !"

Répondit-elle simplement d'un air blasé. Quand elle y repensait, elle n'avait pas tellement de bons souvenirs de là-bas. Certes, elle y avait beaucoup d'amis, et pas mal de membres de sa famille, mais l'ambiance qui régnait dans l'Etat n'était pas des meilleures.

[Encore désolée pour le retard]